Tout le parcours présenté dans les épisodes 1&2, nourrit notre vision du télétravail. C’est donc naturellement ce thème que nous évoquerons dans cet épisode 3.
Être original sur le sujet du télétravail en 2024 est difficile. Tout semble en effet avoir été dit depuis 2020 sur le sujet. Et pourtant …
Pourquoi le télétravail est un sujet passionnant …
Depuis quinze ans que nous le suivons, le télétravail a changé, beaucoup changé. Mais il reste d’abord un sujet transversal et au cœur de l’actualité.
1 – c’est d’abord un sujet d’organisation du travail, de qualité de vie au travail, de gestion du temps (question particulièrement sensible …), d’évolution du management ou de modernisation de l’environnement technique des organisations. Et il y a déjà beaucoup de choses à dire (et à faire) sur ce premier sujet.
2 – c’est ensuite également un sujet au cœur de problématiques macro liées à l’aménagement du territoire, au développement de l’économie résidentielle et bien sûr, sujet majeur, à la limitation des déplacements domicile-travail (les véhicules particuliers représentent un peu plus de 52% des émissions de gaz à effet de serre dont une grande partie sur les pratiques de mobilité du quotidien, incluant notamment les trajets domicile-travail en voiture [*]).
Pourtant, les médias se font actuellement l’écho d’une « impérieuse nécessité » de revenir en arrière et de limiter la pratique du télétravail. Peut-on sérieusement revenir en arrière alors que c’est un outil complémentaire précieux sur autant de thématiques ?
Son intégration dans les entreprises a été certes lente depuis les années 1980 mais elle est toujours restée continue, même avant la crise COVID.
Trois problèmes peuvent pourtant le remettre en cause
Pourquoi alors le remettre en cause aujourd’hui ? A CITICA, nous avons notre avis sur cette question. A notre sens, trois problèmes posent aujourd’hui la question de sa pérennité.
1 – Des accords en copier-coller
La base de tout, c’est l’accord de télétravail. En théorie, il doit être négocié et intégrer des modalités adaptées au contexte spécifique de chaque entreprise. En pratique, c’est souvent un copier-coller de ce qu’on peut lire ailleurs. Nous avions réalisé en 2020, un petit exercice pratique en analysant de nombreux accords d’entreprises, disponibles sur Légifrance (près de 40.000 y sont référencés à ce jour). Nous avions alors été surpris de constater combien leur contenu se ressemblait. Or, le télétravail n’est pas qu’un cadre réglementaire.
C’est aussi un mode d’organisation qui doit prendre en compte un contexte (social, technique, organisationnel, …). On comprend facilement que copier-coller un accord d’entreprise privée pour un organisme public ou un centre hospitalier n’aurait pas de sens … et bien c’est parfois ce que nous avons pourtant pu observer.
2 – Simplifier au départ, c’est complexifier plus tard le travail des encadrants directs
L’autre travers des accords de télétravail, c’est une forme de simplification extrême qui évite de traiter des vrais sujets. Citons un exemple assez fréquent : la gestion du temps, sujet sensible par définition. Beaucoup d’organisations évitent d’évoquer le sujet lors des négociations sur le télétravail, demandant à leurs salariés de gérer le temps sur un modèle identique au bureau. Autant vous dire que cette question revient en boomerang en formation. Ne pas cadrer la gestion du temps, c’est en effet prendre le risque d’une gestion du temps individualisée par les télétravailleurs (1), et d’encadrants qui se retrouvent démunis et ont du mal à poser des règles sur le sujet, pas assez soutenus par leur direction sur le sujet (2).
3 – Et bien sûr la difficulté d’envisager le « travailler autrement ».
Le travail est organisé autour d’outils, d’habitudes et d’usages qui ne sont plus forcément adaptées à des équipes éclatées, par exemple :
– un environnement technique pas toujours optimal et qui pose parfois des limites sur le développement du télétravail (ex. : niveau de dématérialisation, sécurité des échanges à distance, déploiement insuffisant d’outils de travail collaboratif ou de communication à distance, …),
– beaucoup de discussions sur l’enjeu majeur de la qualité de vie au travail, disons-le pas toujours suivies d’effets,
– la capacité à se projeter dans un mode d’organisation équilibré fait aussi beaucoup débat en formation. Peut-on à la fois envisager un fonctionnement plus autonome mais poser aussi des règles de fonctionnement qui font parfois cruellement défaut dans certains organisations. Notons d’ailleurs, que ce sont souvent les organisations qui ont posés le moins de règles en démarrage, qui ont tendance à vouloir le limiter par la suite.
Et ces problèmes, disons-le, ne sont pas uniquement l’apanage des organisations publiques. On les retrouve aussi dans beaucoup d’entreprises privées.
Il a fallu du temps mais le télétravail est aujourd’hui un mouvement de fond. Est-il possible, au moment où nous devons collectivement réfléchir à faire évoluer notre façon de vivre et de travailler, d’envisager un retour en arrière ?
A CITICA, notre bataille n’a jamais été le télétravail à temps plein. Nous préférons consacrer notre énergie au développement du travail hybride avec un temps qui reste majoritaire au bureau et minoritaire à distance. Ce mode d’organisation équilibré permet déjà d’opérer des changements progressifs et d’envisager d’autres façons de travailler en équipes distantes. Il sera bien temps de voir ensuite si on peut aller plus loin …
Pour accompagner ce mouvement, nous avons beaucoup fait évoluer nos outils et nos méthodes depuis la crise COVID (attention, moment promo …).
En 2021, juste après la crise COVID, nous avons d’abord obtenu notre référencement « Format Dialogue » par l’Institut National du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle (plus d’information ici : https://formatdialogue.intefp.fr/). Nous avons suivi un cycle de formations au dialogue social que nous pratiquons quand même depuis une bonne quinzaine d’années dans de multiples organisations, publiques comme privées. Notre plus grande fierté est d’ailleurs d’avoir à plusieurs reprises démarré des interventions à la demande des organisations syndicales et d’avoir ensuite été sollicités par la direction pour co-construire un accord (je ne citerai pas d’exemples ici mais plusieurs personnes de mon réseau se reconnaîtront peut être ;-)).
Toujours après la crise COVID, nous avons développé la méthode BASE, une méthode de formation-action des encadrants, qui permet, en trois heures et au travers d’outils méthodologiques simples, de balayer toutes les (nouvelles) questions que posent le travail hybride et le télétravail dans un service, avec l’objectif, pour un manager de proximité, de comprendre les changements et de mieux les accompagner. Et croyez en le formateur, ce n’est pas inutile (même en 2024) !
Nous avons aussi construit un référentiel du télétravail sur plus d’une centaine d’audits réalisés dans le public et dans le privé depuis plus de quinze ans. Il permet, après évaluation interne, de mieux comprendre l’impact, les points forts et les points faibles en interne, de ce mode d’organisation et aussi de connaître la méthodologie qui est utilisée dans d’autres entreprises.
Nous avons enfin développé un Serious Game, complet et personnalisable, avec une dizaine de modules sur étagères sur deux parcours (encadrant et télétravailleur), intégrant également un module dédié à la cybersécurité. Il permet à la fois de s’autoformer de manière ludique et de mettre à disposition des outils méthodologiques spécifiques pour le télétravailleur et pour l’encadrant.
Dans notre quatrième épisode, nous aborderons un autre aspect du télétravail, lié au développement des territoires.
[*] « Décarboner les mobilités quotidiennes », CEREMA, Octobre 2023.