Construire et évaluer un projet d’organisation avec le télétravail
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- Le cadre juridique du télétravail
- Les documents support du télétravail
- Quels objectifs stratégiques pour le télétravail ?
- Les lieux de télétravail
- Quel modèle économique pour le télécentre public ?
- Le télétravail dans la fonction publique d’Etat
- Le télétravail, outil facilitateur de la réforme territoriale ?
- Publication du décret de la loi Sauvadet. Et maintenant ?
- Construire et évaluer un projet d’organisation avec le télétravail
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- Le point sur les arrêtés pris sur le télétravail à fin 2016
- Le plan national de déploiement du télétravail
- Synthèse du rapport de mai 2017 des partenaires sociaux sur le télétravail
- Enjeux et perspectives de l’encadrement d’équipes en télétravail
- Synthèse de la journée d’étude « Télétravail et travail à distance » – 29 mars 2018 – Paris – Espace Haussman Saint-Lazare
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- Le télétravail en période de crise majeure – Partie 2 : 10 points pour envisager un passage opérationnel (et rapide) en télétravail
- Publication du décret du 5 mai 2020 : enfin une vision rénovée du télétravail pour le secteur public ! Analyse et commentaires …
- L’A.N.I. du 26 novembre 2020 en 10 points
- Le télétravail dans le rapport du GIEC
- Le rapport TERRA NOVA sur le télétravail d’octobre 2022
- Quel profil du télétravailleur en 2021 ? Note de la DGAFP sur le télétravail – Nov. 2022
Pour l’employeur, le télétravail reste d’abord et avant tout un outil de la qualité de vie au travail. Pourtant, ce mode d’organisation du travail peut répondre à des problématiques bien plus larges. Panorama des bonnes (et parfois mauvaises) raisons qui peuvent inciter à mettre en œuvre une expérimentation de télétravail.
Bien des raisons peuvent amener les entreprises à s’interroger sur l’opportunité de déployer le télétravail. La première d’entre elles devrait être la recherche d’une relation gagnant / gagnant, permettant à la fois de viser des objectifs individuels pour le salarié mais aussi de développer un vrai projet de service structuré autour du télétravail.
Quel projet d’organisation autour du télétravail ?
Le télétravail est à la croisée de plusieurs problématiques importantes pour des entreprises privées comme pour des organisations publiques :
- Le télétravail, c’est d’abord et avant tout un outil de gestion des ressources humaines qui peut viser de multiples objectifs : gagner en souplesse dans la conciliation des temps de vie, favoriser la mixité sociale dans l’entreprise, faciliter l’embauche de personnes en situation de handicap, permettre une transition en douceur entre l’activité professionnelle et la retraite, fidéliser les salariés et éviter le turn-over, … Avec une particularité importante pour le télétravail, contrairement à beaucoup d’autres outils RH, c’est qu’il constitue un outil de proximité, directement utilisable par l’encadrant N+1.
- Le télétravail est aussi un outil qui favorise l’innovation. Il permet en effet une modernisation progressive des pratiques de management, l’introduction de nouvelles formes d’évaluation moins centrées sur les tâches mais plus axées les objectifs ou par les projets. Le télétravail peut aussi avoir un impact sur l’innovation technique : il peut permettre de tester certains outils ou dispositifs techniques qui apportent de la flexibilité à l’organisation. On peut notamment citer l’exemple du déploiement d’ordinateurs en client léger, souvent démarré à l’occasion de l’introduction du travail à distance ou du télétravail, ou encore la mise en place d’outils de travail collaboratif réels ou d’outils de communication à distance permettant une meilleure fluidité des échanges professionnels entre membres d’une même équipe.
- le télétravail a généralement un impact positif sur la production du télétravailleur. Cette augmentation de la productivité s’explique d’abord par une capacité de travail en concentration, pas toujours possible au bureau. Plus généralement, on constate que nombre de télétravailleurs réinvestissent une partie du temps de transport évité dans du temps de travail, ce qui renforce également la production individuelle.
- Le télétravail permet un travail en profondeur sur la notion de mobilité professionnelle en proposant une solution alternative pour éviter certains déplacements. Un atout non négligeable dans le contexte actuel de réforme territoriale qui impose pour nombre de collectivités comme d’administrations, une réflexion sur le lieu de travail et l’organisation de services éclatés sur plusieurs sites géographiques.
- Cette limitation de la mobilité a un impact indirect sur le stress, la fatigue mais aussi sur les maladies professionnelles. Certaines évaluations d’expérimentations de télétravail au Canada notent ainsi une diminution des arrêts maladie ou une baisse du taux d’absentéisme. Si l’impact direct est pour le salarié, cela constitue bien sûr aussi un impact indirect sur les coûts et l’organisation de l’entreprise et sur le niveau de motivation des salariés au travail.
- Le télétravail améliore le bilan carbone d’une organisation. La diminution des trajets domicile-travail et la réorganisation des trajets professionnels permet un gain important sur les émissions de gaz à effet de serre. Pour un salarié français moyen, habitant à 26 km de son lieu de travail (moyenne française de la distance domicile-travail selon l’INSEE) et exerçant en télétravail sur deux jours par semaine, le gain moyen serait de 1.350 kg équivalent carbone évités (source : ADEME).
- Le télétravail reste un outil incontournable pour assurer la continuité des activités. On a ainsi pu noter une forte augmentation de la signature d’accords cadre sur le télétravail à partir de 2009, à l’occasion de la crise pandémique de grippe aviaire, qui a obligé les entreprises à s’interroger sur leur capacité réelle à assurer une continuité des activités.
- Dernier point enfin, mais sans doute pas le moindre, le télétravail permet une augmentation indirecte du pouvoir d’achat, au moins pour les télétravailleurs qui se déplacent en véhicule individuel. En diminuant les coûts liés aux déplacements (carburants, coûts de maintenance du véhicule, péages, réparation, …), le salarié français moyen, exerçant en télétravail sur deux jours par semaine, aurait un gain supérieur à 2.000 € par an (Source : ADEME).
Quels retours pour les organisations qui l’ont mis en place ?
A quelques rares exceptions près, les premières organisations publiques ou privées à avoir déployé le télétravail ont démarré dans les années 2005-2010. Certaines ont donc un recul suffisant pour en tirer quelques enseignements.
Pour la plupart des organisations qui l’ont expérimenté, le télétravail tient plus de l’évolution progressive que de la révolution. Il a d’abord permis de contourner les vieux process de management pour permettre une meilleure autonomie des salariés sur leur poste. La plupart des encadrants notent ainsi que leurs salariés en télétravail ont une meilleure capacité à s’organiser et, au final, un meilleur respect des échéances.
Le télétravail permet aussi de rompre la monotonie « Métro / Boulot / Dodo » et les télétravailleurs y gagnent largement en motivation, ce qui se note généralement dans la quantité et parfois aussi dans la qualité du travail rendu. La flexibilité apportée par le télétravail est aussi largement soulignée. Flexibilité sur le temps bien sûr en permettant d’assouplir les horaires de travail. Flexibilité sur le lieu aussi en facilitant le travail depuis tout type de lieu, au risque parfois de faire exploser la limite entre vie professionnelle et vie personnelle.
Des enjeux plus sensibles …
Certaines organisations peuvent aussi être tentées d’utiliser le télétravail comme un moyen de faire accepter des projets plus « sensibles ». C’est ici d’abord l’enjeu de l’immobilier professionnel qui est visé. Le télétravail peut constituer un moyen de diminuer certains coûts, notamment sur les surfaces de parking ou de bureaux. De nombreuses entreprises introduisent le télétravail en même temps qu’elles décident d’une réorganisation des bureaux par exemple en déployant de vastes open space, ou en mettant en place des bureaux partagés pour deux ou trois personnes. D’autres s’interrogent sur la mise en œuvre du télétravail au moment d’un déménagement, souvent mal vécu par des salariés qui ont organisé leur vie familiale à proximité de leur lieu de travail. Le risque alors, est de brouiller l’image du télétravail, notamment auprès des organisations syndicales en le mettant en place comme un palliatif plutôt que comme un enjeu, en soi, pour l’organisation.
L’évaluation reste l’enjeu central
Pour pouvoir juger de l’impact du télétravail sur l’individu et sur l’organisation, il faut d’abord se donner les moyens de l’évaluer. Or, l’évaluation reste le « parent pauvre » des expérimentations. Si l’évaluation au niveau de l’entreprise constitue une pratique courante, plus rares sont les encadrants qui sont capables de tirer un bilan d’impact détaillé et surtout objectivé pour leur service. Les évaluations des encadrants restent le plus souvent dans le subjectif et le ressenti.
Plus grave, si l’évaluation détaille les postes de coûts, elle met plus rarement en lumière une vraie approche coûts / bénéfices, prenant aussi bien en compte les investissements nécessaires à la mise en place du télétravail que les bénéfices directs ou indirects (notamment monétarisés) que l’entreprise pourra en attendre.
Certains entreprises françaises souhaitent mener une véritable analyse d’impact du télétravail sur des questions de productivité, d’absentéisme, de maladie professionnelle, … Seul ce type de bilan sera capable, au-delà du « gadget social » de justifier de véritables projets d’organisation autour du télétravail et d’assurer un ancrage profond de ce mode d’organisation dans les entreprises.