Publication du décret de la loi Sauvadet. Et maintenant ?
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La publication du décret de la loi Sauvadet le 11 février dernier est une étape mais pas un aboutissement. Si ce texte conforte le cadre juridique pour les trois fonctions publiques, il va encore falloir attendre la publication des arrêtés ministériels ou les actes administratifs des organisations publiques pour juger de l’impact pour le secteur public. Analyse du chemin parcouru et des prochaines étapes .
Un cadre juridique enfin complet
Le décret a un premier intérêt : il répond à une critique majeure et justifiée, des organisations syndicales qui soulignaient jusqu’à maintenant que le cadre d’introduction n’était pas complet. En ce sens, il devrait permettre à de nombreux projets d’émerger dans les trois fonctions publiques. Car les organisations publiques sont déjà sur les rangs :
- dans la fonction publique territoriale, nombreux sont les conseils départementaux qui ont déjà franchis le pas, ont expérimenté voire pour certains ont proposé le télétravail à une bonne partie des effectifs potentiellement éligibles (conseil départemental du Cantal, du Puy-de-Dôme, du Finistère, de l’Hérault, du Lot, …). Les régions (Auvergne ou Aquitaine notamment) et certaines métropoles (la communauté urbaine de Strasbourg par exemple) ont également commencé à lancer des expérimentations depuis quelques mois.
- La fonction publique d’État a initié de nombreuses expérimentations dans des administrations décentralisées (Préfectures, DREAL, DIRECCTE, Pôle Emploi, DDT, DDCSPP, DRJSCS, …) mais aussi dans certaines administrations centrales (Bercy, Ministère du développement du durable, certains service du Premier Ministre).
- La fonction publique hospitalière est sans doute plus en retard. Il est vrai que le télétravail peut y sembler moins évident alors qu’une majorité de l’effectif porte sur des personnels médicaux et soignants dont ont s’imagine mal comment ils pourraient accéder au télétravail. Et pourtant … L’ANFH, organisme collecteur de fonds de formation pour la fonction publique hospitalière, a lancé ces derniers mois, plusieurs appels d’offre visant à accompagner des établissements hospitaliers dans la mise en œuvre du télétravail. Certains établissements, comme par exemple le centre hospitalier de Valencienne dans le nord, réfléchissent d’ailleurs à une mise en œuvre bien au-delà des seuls personnels administratifs.
On le voit les trois fonctions publiques devraient donc profiter de ce nouveau cadre pour initier de nombreux projets dans les mois à venir.
Des règles du jeu clarifiées …
Car le décret clarifie d’abord plusieurs points qui pouvaient poser question jusqu’à maintenant :
- Sur la quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail, le décret précise un maximum de trois jours de télétravail par semaine avec un temps de présence minimum sur le lieu d’affectation de deux jours par semaine. Pas d’incompatibilité à priori avec le temps partiel donc. Si beaucoup d’organisation se positionneront sans doute sur une quotité moins importante (un ou deux jours de télétravail par semaine maximum dans la plupart des cas), cette règle a le mérite de poser les bases d’un fonctionnement.
- La durée de l’autorisation d’un an maximum avec renouvellement par décision expresse, après entretien avec le supérieur hiérarchique direct et sur avis de ce dernier mais aussi le dépôt d’une nouvelle demande obligatoire en cas de changement de fonction. Ces deux règles apportent un gain important pour encadrer les situations de télétravail. Jusqu’à maintenant en effet, le prolongement se faisait la plupart du temps par tacite reconduction. Avec les nouvelles règles, le binôme encadrant / télétravailleur devra évaluer le télétravail avant de décider d’une éventuelle prolongation d’une année supplémentaire. Même chose sur la question de la portabilité : sur ce point, le décret souligne que le télétravail est bien lié à une fonction et non à une personne.
- Le délai de prévenance est plus clairement fixé : un mois pendant la période d’adaptation, deux mois par la suite avec possibilité de réduction de ce délai en cas de nécessité de service dûment motivée.
- L’obligation, enfin, de réaliser un bilan annuel présenté aux comités techniques et aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail compétents. Ce bilan n’était pas obligatoire jusqu’à maintenant et était d’ailleurs peu souvent réalisé. Cette nouvelle règle devrait donc permettre un meilleur contrôle des résultats.
Mais aussi des questions qui restent en suspens …
Car le décret ne règle pas tout. Au contraire, il va même sans doute rajouter de la complexité. Deux questions sensibles n’y sont en effet que partiellement traitées :
- La question de la prise en charge des coûts d’abord. Le décret précise que « l’employeur prend en charge les coûts découlant directement de l’exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ». Un article qui apparaissait déjà dans l’accord national interprofessionnel de 2005 et qui constitue une demande récurrente des organisations syndicales. Si les coûts de matériels, de logiciels, de maintenance ou de communication ne posent pas question, il n’en est pas de même pour ceux liés aux abonnements. Qu’entend-on en effet par abonnement ? Faut-il y inclure l’abonnement internet ? Faut-il aller jusqu’à une prise en charge de certains frais de fluides (électricité, chauffage, eau) ? Comment se fait le calcul pour déterminer les coûts pris en charge ? Peut-on utiliser une formule de remboursement au forfait et, dans ce cas, comment en déterminer le montant ? Sur quelle périodicité prévoir ce forfait ? Enfin, dernière question mais pas la moindre : sur quelle ligne budgétaire ce remboursement pourra-t-il s’opérer ?
Autant de questions auxquelles le décret ne répond pas, charge à chaque organisation de fixer ses propres règles. Le risque est double : au mieux, générer des situations d’iniquité sur la mise en œuvre entre organisations ; au pire, bloquer purement et simplement tous les projets dans une période de réduction de budget.
- La question de la conformité électrique sur le lieu de télétravail ensuite. C’est l’Accord National Interprofessionnel de 2005 qui indique que les installations électriques sur le lieu de télétravail doivent être conformes. De nombreux organismes certificateurs se sont aussitôt engouffrés dans la brèche en proposant des diagnostics siglés « Télétravail » avec un coût pour l’employeur pouvant aller de 100 à 200 € par télétravailleur. Rien de rédhibitoire dans une phase expérimentale mais, en fonction de la montée en charge du nombre de télétravailleurs, ces coûts deviennent rapidement un véritable obstacle au développement du télétravail. Si le décret du 11 février ne cite pas explicitement la conformité des installations électriques comme un critère d’accès au télétravail, on peut s’interroger sur les décisions qui seront prises sur ce point, à la vue du texte de base que constitue l’ANI de 2005.
Le décret publié, et maintenant ?
Le décret est une étape mais pas un aboutissement. Comme le précise en effet l’article 7, « un arrêté ministériel pour la fonction publique de l’État, une délibération de l’organe délibérant pour la fonction publique territoriale, une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination pour la fonction publique hospitalière, pris après avis du comité technique ou du comité consultatif national compétent », fixera les modalités détaillées de mise en œuvre.
Pour les organisations publiques, collectivités notamment, qui ont déjà démarré un déploiement du télétravail, le décret va certainement faciliter une extension mesurée. Il permettra en effet de préciser les modalités de mise en œuvre sans imposer pour autant un cadre trop contraignant.
Les ministères devront d’abord se mobiliser pour définir les modalités de mise en œuvre spécifiques dans le respect des modalités du décret. Certains ont déjà prévus des réunions qui devront permettre de négocier ces modalités avec les organisations syndicales. On peut cependant craindre, pour les organisations qui n’avaient pas déjà commencé à déployer le télétravail, que le décret puisse parfois aussi complexifier les choses, voire décourager certaines velléités.
Les mois prochains devraient donner des indications sur le niveau de développement possible dans toute la fonction publique.