Le télétravail dans la fonction publique hospitalière : un enjeu réalisable ?
Des trois fonctions publiques, la fonction publique hospitalière est sans doute celle qui a le moins développé le télétravail d’abord pour des raisons d’éligibilité des postes bien sûr mais sans doute aussi à cause d’un contexte de rationalisation des moyens et de remise à plat des accords d’ARTT. Des projets de mise en œuvre commencent néanmoins à se déployer. État des lieux de la situation à la mi 2015.
La fonction publique hospitalière représente plus de 1,2 million d’agents fonctionnaires et contractuels (Source : SAE 2009) essentiellement affectés dans les hôpitaux publics, des maisons de retraites et des structures associées. Ces agents fournissent des services opérationnels de soins 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 dans près de 2.000 établissements. Outre ces fonctions de soin, elle assure également des tâches administratives au travers notamment des fonctions financières, de soutien technique, de formation et de recherche des hôpitaux.
La fonction publique hospitalière constitue un cadre spécifique, caractérisé par des fonctions opérationnelles nécessitant une relation de proximité avec le public ou une présence physique sur le lieu de travail. Une culture du travail à distance a néanmoins commencé à s’installer au travers des services d’accueil à distance (centre 15, centre antipoison, déjà accessibles par téléphone ou par le biais de l’utilisation de technologies de l’information et de la communication). Certains services interviennent aussi en télédiagnostic ou permettent d’assurer à distance certains actes médicaux.
En matière de télétravail, encore récemment, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) n’avait pas de vision précise du niveau de son développement. Le rapport du CGIET sur les perspectives de développement du télétravail dans la fonction publique, rendu en 2011, indiquait, qu’à cette époque, aucune convention d’établissements n’avait encore été signée (sondage réalisé auprès des principales structures : APHP, HCL, APHM, CHU/CHRU) et que le télétravail ne concernait que quelques rares individus (estimé à 1 pour 70.000 dans les hôpitaux). Le rapport soulignait par contre les pratiques très développées de nomadisme au travail avec la disponibilité d’outils techniques permettant déjà, dans une certaine mesure, de travailler à distance du bureau. Il concluait en indiquant que « le télétravail n’est actuellement ni une modalité étudiée par les DRH des hôpitaux, ni une priorité. Les équipes SI ne sont, à quelques exceptions près, pas mûres pour déployer les systèmes avec la sécurité voulue même si des dispositifs techniques existent (carte CPS et ses déclinaisons) ». La même année, le ministère de la fonction publique chiffrait pourtant à entre 600 et 8.000 agents, le nombre de personnes qui pourrait être concerné par le télétravail dans la fonction publique hospitalière (source : Ministère de la fonction publique dans le journal officiel du Sénat le 15 décembre 2011).
Introduire le télétravail dans la fonction publique hospitalière impose donc de prendre en charge son contexte spécifique : des fonctions qui nécessitent une présence effective sur site, un très grand nombre de cycles de travail et une forte pression sur les effectifs. Les hôpitaux sont aussi dans des projets de modernisation et de réorganisation. Sa mise en œuvre intervient enfin dans un contexte de rationalisation des moyens et de réexamen des accords-cadres ARTT. Un contexte finalement pas si différent des deux autres fonctions publiques mais, comme le montre l’actualité récente, qui est caractérisé par une tension plus forte sur la gestion du temps et des effectifs.
Le contexte est en tout cas favorable. Depuis la loi Sauvadet de mars 2012, le télétravail dispose d’un cadre juridique stable permettant d’envisager la mise en œuvre du télétravail dans le secteur public. Ce cadre devrait encore être renforcé avec la publication du décret d’application de cette loi, attendue de longue date par le secteur public dans son ensemble. Des négociations ont ainsi démarré avec les organisations syndicales du secteur public le 26 mai dernier afin de définir le cadre spécifique éventuel du télétravail pour le secteur public. Elles devraient aboutir d’ici à la rentrée 2015 et on peut donc espérer que la « troisième fonction publique » puisse, à l’instar de l’État et des collectivités, expérimenter cette forme de travail.