Le « tiers-lieu » : renouvellement d’un concept sous l’effet des TIC.
Un « tiers-lieu », concept dont on parle beaucoup sans forcément en connaître les origines. Le concept a été popularisé par Starbucks à la fin des années 90, et on le retrouve aujourd’hui dans le vocabulaire des acteurs du numérique pour désigner de nouveaux lieux : espace de coworking, télécentre, FabLabs, etc. De manière simple, cette expression désigne « tout lieu de sociabilisation qui n’est ni le domicile, réservé aux activités domestiques, ni le lieu de travail, où l’on pratique une activité professionnelle ». On voit donc qu’on est bien éloigné de la définition actuelle où le tiers-lieux désigne notamment un lieu où l’on travaille.
Pour Ray Oldenburg, inventeur du concept, le café « à l’italienne » en centre-ville en est l’archétype. La définition du sociologue américain remonte au début des années 1980 alors qu’il souhaitait réagir face aux choix des politiques américaines d’aménagement des territoires utilisant le zoning à l’origine des suburbs, espaces exclusivement résidentiels en périphérie urbaine. Mais à y regarder de plus près, les critères de désignation permettent à de multiples lieux de s’y inscrire. Aussi, beaucoup de ses promoteurs se limitent à l’aspect spatial du tiers-lieux en se disant que tant qu’il ne s’agit ni du domicile, ni du lieu de travail, alors on peut parler de tiers-lieux… D’autres l’ont dématérialisé, avec les « tiers-lieux virtuels » pour désigner les plateformes du Web 2.0 où les individus forment des communautés en ligne.
La définition originelle est également ambigüe : l’auteur parle de différentes catégories de lieux, mais aussi de fonctions dédiées à ceux-ci. Or, sous l’effet des TIC, les activités qui y sont pratiquées se sont diversifiées : il est possible de sociabiliser et travailler depuis tous lieux offrant un point d’accès à Internet avec des individus physiquement coprésents ou non. De nouveaux espaces se sont même créés, où certes on y travaille, mais on y fait aussi communauté : peut-être est-ce pour cela au fond que l’utilisation du concept pourrait convenir, quelle que soit l’activité. Parmi ces lieux, qui conservent une forme de spécialisation, car sans cela pas d’identité, on trouverait ainsi des tiers-lieux de travail, de loisirs (club de sport, discothèque, etc.), d’accès à la culture (bibliothèques, musées, librairies, etc.), de consommation (cafés, restaurants, etc.), etc.
Le concept de tiers-lieu est souvent utilisé de manière maladroite, et peut-être est-il déjà obsolète si l’on considère les interactions entre les lieux, les activités et les TIC qui effritent les frontières des objets. Toutefois, il a le mérite de désigner des lieux qui font sens à l’heure où les travailleurs « sortent » de plus en plus des bureaux des employeurs, pour faire ou refaire communauté et constituer des formes d’organisations inédites, a priori ouvertes et choisies.